Fiche de salle de l'exposition
Maison des arts Georges Pompidou - Cajarc
L'exposition Sans socle ni double-fond à la Maison des arts Georges Pompidou à Cajarc (Lot) invite à faire l'expérience d'une peinture qui s'appréhende dans le déplacement.
Le procédé d'exécution des tableaux lui-même n'est pas étranger à ce principe. Muriel Rodolosse n'a jamais peint sur toile, refusant l'autorité de sa texture et de sa souplesse, lui préférant un support lisse, plus neutre. Depuis 1996, elle peint sous Plexiglas. Rigide et transparent, il permet de franchir le plan zéro du support et de passer toute la peinture à l'arrière. L'artiste construit le tableau dans son inversion : elle commence par les détails et finit par le fond. La hiérarchisation des plans est donc inversée, parfois même, mélangée. Dans ce mouvement entre la face lisse - offerte au regardeur et qui interdit tout repentir - et la face intérieur - les coulisses en quelque sorte, qui accueillent le geste, la touche, l'intimité de l'oeuvre - se joue le lieu de la peinture entre ce qui est montré et ce qui est caché. Ainsi, Muriel Rodolosse renverse la vision perspectiviste de la fenêtre ouverte sur le monde et interroge la nature de l'oeuvre regardée.
Pour cette exposition, elle joue le paradoxe de la frontière entre le visible et l'invisible, entre l'aspect lisse et la face cachée, en l'occurence ici, la matière de la peinture fixée sous Plexiglas. Le titre évoque plus largement les interrogations de Muriel Rodolosse quant aux outils de l'exposition : le cadre, le socle, la cimaise… Sans socle ni double-fond est d'abord conçue comme une déambulation, un aller-retour, dans ce double mouvement vers l'extérieur -le regard porté sur la lumière- et vers l'intérieur- la vision géologique, l'ombre.
« Je pars toujours de l'analyse des espaces afin d'y inscrire une exposition qui interpelle le lieu mais aussi le déplacement des regardeurs » (Muriel Rodolosse, janvier 2014).
L'œuvre en 2 dimension semble moins riche en point d'accroche : il n'y a pas d'environnement sonore, on ne peut pas appréhender l'œuvre en circulant autour, on ne peut pas toucher une peinture (le support est bien plus fragile qu'une sculpture par exemple).
Muriel Rodolosse peint sous plexiglass, de sorte que, même s'il nous était permis de toucher les œuvres, le support à toucher, une plaque de plastique lisse, ne nous donnerait aucun indice sur l'œuvre.
Le format
Les peintures de Muriel Rodolosse peuvent être parfois monumentales (toute la hauteur et la largeur d'un mur par exemple). La confrontation avec la taille de la peinture est donc déjà importante dans l'appréhension de l'œuvre. Le public n'aura pas le même sentiment face à une œuvre de format moyen et une œuvre dont il sait qu'elle fait trois fois sa taille.
La construction d'une peinture
La peinture se construit en plan : au premier plan nous avons souvent le sujet, au second l'environnement et enfin, en dernier, l'arrière plan. Cette construction en plan est pratique pour construire une description de l'œuvre.
De plus, dans le travail de Muriel Rodolosse, cette construction mentale du tableau est au centre de sa démarche puisqu'en peignant au revers du support de Plexiglas transparent, elle peint de l'avant vers l'arrière : d'abord le premier plan (détails, figures, objets, formes plus ou moins concrètes) puis le second plan (paysages, architectures) et enfin, le fond. Elle inverse donc la construction classique d'un tableau.
Le déplacement
Si Muriel Rodolosse peint en 2 dimension, elle accorde cependant une grande importance à la scénographie de l'exposition et incite le spectateur au déplacement. Au début de l'exposition, le visiteur est accueilli par un pénétrable composé de tableaux recto-verso, mobiles et suspendus à hauteur du regard. Le franchissement de cet espace instable et mouvant est une expérience physique et mentale très forte pour un public déficient visuel.
Ensuite, tout l'espace d'exposition est parsemé, voir parfois quasiment obstrué de socles blancs, voire déstructurés qui contraignent le visiteurs dans ses déplacements et l'oblige à adopter plusieurs points de vue sur les tableaux (et non uniquement le point de vue frontal).
Pour un public déficient visuel, ces déplacements peuvent être difficiles. Cependant, le mouvement fait partie intégrante de la démarche de l'artiste puisqu'elle-même, lorsqu'elle peint, est sans cesse en mouvement autour de son support : elle peint au dos du Plexiglas et observe le résultat de face à travers le plastique. Ce déplacement contraint est donc un indice de plus à exploiter pour appréhender l'œuvre de l'artiste.