14 novembre 2013 - 19 janvier 2014
L'un des artistes de cette exposition, Mathias Poisson, a passé plusieurs semaines en résidence artistique, explorant l'axe du canal du Midi qui relie Toulouse et Labège, les deux villes porteuses du projet culturel via la Maison Salvan et la Fondation espace écureuil.
Mathias Poisson, plasticien et danseur, développe un travail global qui cherche à traduire l'appréhension sensible de l'espace. À travers des dessins, des cartes, des photographies, des enregistrements vocaux, il décline la trace d'une expérience de terrain, la mémoire d'un déplacement. Afin d'avoir une approche totale de l'environnement (sol, objets mais aussi son, vibration...), il travaille beaucoup les yeux fermés, cherchant à mettre en suspens son regard (la vue comme sa re-connaissance des choses). Aussi, s'associer à des personnes en situation de déficience visuelle l'intéresse particulièrement pour développer un projet artistique où l'expérience sensible est centrale.
Ce projet est singulier dans la mesure où la part sensible liée à l'invisible fait entièrement partie de la démarche artistique. Aussi, la médiation - qui plus est adaptée - intervient comme extension de cette expérience et non comme ajout à l'œuvre. Mathias Poisson ayant en quelque sorte "englobé" la médiation dans sa proposition artistique en proposant aux visiteurs de "vivre" l'œuvre les yeux fermés.
Aboutissement de sa résidence artistique, Mathias Poisson a réalisé une œuvre tactile, qui rend compte de son appréhension sensible du territoire, soit le canal du Midi et ses franges (la dizaine de kilomètres qui relient Toulouse à Labège).
L'installation développée à la Maison Salvan est une grande structure en bois qui se déploie dans l'ensemble du lieu d'exposition, s'articulant d'une pièce à l'autre. Des dessins en relief, réalisés à la colle, marquent des indices que Mathias a collecté tout au long de son arpentage : chemins, arbres, bâtiments, carrefours... Y sont également représentés, de manière plus abstraite, des sensations : calme, bruits, densité, ouverture... Le visiteur voyant est invité à fermer les yeux et à suivre cette rampe, se laissant guider par l'histoire que ses doigts perçoivent. Des variations de lumière et une bande-son (réalisée par Thierry Lafollie également présent sur la résidence) font partie intégrante de la scénographie et participent de la réception de l'œuvre où tous les sens sont sollicités.
Aussi le visiteur déficient visuel n'est, dans cette appréhension de l'œuvre en aucun cas en situation de handicape, au contraire, son habitude et sa finesse tactile et auditive étant un large atout pour la découverte de l'installation.
Autre expérience proposée par l'artiste et relayée par les médiateurs : découvrir de manière sensible le paysage "le channel médian" à l'aide d'un outil de guidage.
Invitant les visiteurs à relier, par la marche, la Fondation de la Maison Salvan, Mathias Poisson proposait un "bâton de marche", bâton réalisé en platane (la même essence que les arbres qui jalonnent le canal du Midi) avec une clé usb fichée à son extrémité, support d'une bande sonore. Les visiteurs pouvaient partir, en duo, explorer la ville à l'aide de cet outil sensible (faisant plus ou moins écho à la canne blanche des aveugles) : le guidé tient à une extrémité le bâton, il a les yeux fermés et se laisse accompagner par le guidant qui, en tête, fait découvrir autrement l'environnement à son partenaire. La marche se fait dans le silence. Le guidant est équipé d'écouteurs qui lui donnent des informations de guidage, préalablement enregistrées par les artistes.