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Art contemporain et déficience visuelle
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    • Technique de guide

      Vidéo réalisée par Laurent Miguel - association Ainda

      Découverte d'une pièce

      Vidéo réalisée par Laurent Miguel - association Ainda
    • IJA
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    • Avec le soutien de la DRAC de Midi-Pyrénées
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    Journée de sensibilisation à la déficience visuelle
    Expérimenter le déplacement en situation de cécité, ses enjeux, ses contraintes... 

    « Tu me guides, je me cogne ou on marche ensemble ? »
    S'y retrouver dans un espace inconnu, la rue, une salle aux contours incertains, un hall, c'est parfois une gageure. Tout prend de l'importance, les bruits, la résonance des murs, l'ouverture d'une porte, les paroles glanées ici ou là, bribes de conversations sans queue ni tête, les pas, ces personnes qui nous frôlent sans dire bonjour...

    Dans une exposition, la personne déficiente visuelle a sans doute le projet de se concentrer sur ce qu'elle perçoit de l'œuvre, sans être gênée dans ses déplacements. Le guidage par un tiers facilite le déplacement et favorise une certaine aisance dans la découverte d'une œuvre. Mais quid de la découverte d'une installation qui propose une circulation ou un parcours singulier ? De quelle façon la personne déficiente visuelle pourra-t-elle mener cette exploration seule ? Comment l'y inciter, lui favoriser cette exploration ?

    Pour aborder ces questions et la variété des situations rencontrées lors de la visite d'une exposition, nous avons proposé plusieurs ateliers : la technique de guide, l'exploration d'une salle, un parcours psychomoteur, le tout en situation de cécité.

    La technique de guide en des lieux inconnus

    La personne mise en situation de cécité est guidée à travers pièces, couloirs, cour extérieure.
    L'objectif était à la fois de sentir ce qui se passe lors d'un déplacement en situation de cécité et à la fois d'apprendre la technique de guide, nécessaire pour l'accueil d'une personne déficiente visuelle.

    Pistes de réflexion suite à l'atelier locomotion

    Se déplacer sans voir implique une perte des repères spatio-temporels habituels, l'orientation est malaisée, l'appréciation des distances est déformée. Il devient nécessaire de faire appel à des perceptions autres : le chaud, le froid, la lumière, le son, le contact avec le sol, les effets de masses.

    "J'ai eu une perception très forte de l'espace, surtout à l'extérieur, avec un sentiment d'être perdue dans l'immensité, je sentais l'air, la végétation et les gravillons sous les pieds."

    Autant de facteurs qui rendent ce premier déplacement dans le noir éprouvant, générant de vives émotions : peur de ne pas gérer la vitesse de progression, frayeur dans l'escalier, sentiment d'insécurité, et réminiscence d'angoisses enfantines.

    "J'ai eu un sens des masses fort, avec un sentiment d'enfermement, de resserrement. C'était oppressant."

    Se faire guider implique de déléguer sa confiance à quelqu'un, il faut un temps d'adaptation et un
    « lâcher prise » qui peuvent se traduire les premières minutes par des tensions et des crispations.

    "Au début, j'étais perdu dans le noir et j'ai eu des difficultés à synchroniser mon rythme avec la personne qui guidait."

    Guider, c'est aussi être très attentif à la personne non voyante pour trouver le bon rythme, faire en sorte que les ralentissements et les arrêts soient perceptibles et garder en tête sa corpulence pour anticiper les rétrécissements d'espace et les obstacles.

    La technique de guide permet d'établir une confiance dans les déplacements, tout en laissant place à de véritables échanges interpersonnels.

    « J'ai noté l'importance d'avoir des codes gestuels et non verbaux afin de pouvoir avoir une vraie interaction à travers le dialogue. »

    La découverte en autonomie d'une pièce inconnue

    La personne en situation de cécité est "lâchée" dans une pièce avec mission de s'en faire une représentation mentale et de la dessiner une fois l'exploration terminée. Il est peu probable que de telles situations se présentent lors d'une visite d'exposition d'art contemporain mais c'est une expérience utile pour appréhender de façon plus globale la complexité à se représenter l'espace et la nécessité d'un guidage adapté.

    Pistes de réflexion après l'exploration d'une salle :

    Avant d'avoir vécu cette expérience, on ne se doute pas à quel point la mémoire est sollicitée.

    "Ca demande un très gros travail de mémorisation, c'est très fatiguant"

    Il nous a semblé extrêmement difficile de se représenter l'espace sans le voir, quelles que soient les stratégies adoptées (longer les murs, mesurer les pas, chercher à avoir une perception globale ou chercher plutôt les détails).

    "J'ai mesuré la taille avec des pas"
    "C'était très important pour me repérer de sentir une source lumineuse"

    Après avoir trouvé des repères (source de lumière, angles de mur, etc), reconnus des meubles, des objets, il faut se rappeler la chronologie de leur découverte pour les situer les uns par rapport aux autres, évaluer leur importance en terme de volume, de distance, garder en tête leur agencement et leur position dans l'espace.

    "Je suis allée à l'essentiel dans l'appréhension du contour de la pièce (armoire, porte, fenêtre) et je n'ai pas pu découvrir l'intérieur. J'ai eu le sentiment que la pièce était beaucoup plus grande qu'elle n'était en réalité.."

    Et comme plus il y a d'objets plus la perception de l'espace est morcelée, cela devient extrêmement complexe d'avoir une vision globale d'une pièce encombrée et d'évaluer ses dimensions (souvent perçue plus grande ou plus petite).

    "Sensation d'un nombre d'objets très important. Difficulté au départ à me faire une idée globale de la pièce. C'était morcelé. En la voyant, j'ai été surprise de la trouver plus grande, plus spacieuse que ce que j'imaginais."


    Un parcours psychomoteur

    En situation de cécité, la façon dont le corps est mis en jeu impacte directement sur les ressentis.
    Cette approche du corps est une piste à envisager pour des médiations possibles. Un parcours peut accompagner une installation, palliant ainsi ce qui ne peut se voir mais pourrait se ressentir à travers le corps en mouvement.

    "J'ai senti l'équilibre fragilisé par le noir (ex poutre)."

    "Pour appréhender les obstacles, j'ai eu besoin de toucher, de tester les limites et les hauteurs."

    "Je retiens la perte d'équilibre et la découverte du podotactile."