La déficience visuelle
Rédigé par Claude Chavanon
Orthoptiste, rééducatrice en basse vision à l'institut des jeunes aveugles
Une cécité ou une malvoyance acquises n'auront que peu à voir avec une cécité ou une malvoyance congénitale. Ce qu'un enfant aura vu dans son jeune âge, aussi parcellaire ou de courte durée soit-il, lui servira à modéliser son environnement, à se constituer un patrimoine visuel de référence dans lequel il puisera pour comprendre le monde. Il est tellement plus aisé de se représenter un arbre ou un cheval lorsqu'on l'a vu, de se rappeler du bleu du ciel ou de l'immensité de l'océan plutôt que d'en entendre parler, de courir lorsqu'on a vu un autre enfant le faire, de comprendre comment la joie s'inscrit sur un visage lorsqu'on a vu sa mère sourire...
Lors d'une visite d'exposition, l'œuvre peut être très partiellement vue, déformée sous le regard, décolorée, impossible à identifier. Sera-t-elle toujours la même œuvre ? Comment le médiateur prendra-t-il en considération cette variété de représentations ?
Lors de notre journée d'expérimentation, chacun a chaussé des lunettes de simulation et a eu une tâche à faire, simulant la gêne visuelle occasionnée par le handicap. Chacun a découvert à quel point la gêne pouvait être importante, chacun a essayé de trouver une façon de compenser.
Une tache noire, un scotome, vient gêner la vision et empêcher toute identification
L'atteinte de la vision périphériqueun cas d'atteinte sévère : la vision tubulaire " C'est impressionnant de voir à quel point des choses/actions simples du quotidien peuvent prendre de l'importance et demander de l'attention et de l'énergie " |
1/50e, les perturbations sont massives, la vision très floutée, on situe l'objet, on en perçoit la forme globale, il est pratiquement impossible de l'identifier
Une tâche noire, un scotome, vient gêner la vision et empêcher toute identification
Elle est diverse, de la confusion légère, type daltonisme, à l'absence totale de vision des couleurs.
Les couleurs ne sont plus une indication, il est parfois possible d'identifier des nuances de gris, mais cela reste peu informatif.
Un constat troublant : ce qui facilite la vision des uns entrave celle des autres. L'éclairage peut par exemple aider certaines personnes et a contrario en gêner d'autres (notamment les personnes photophobes), les couleurs sont une indication précieuse pour les uns mais ne signifient rien pour les achromatopsiques (qui n'ont pas la vision des couleurs)...
• Avec les lunettes de simulation, il est très difficile de percevoir les expressions du visage, ce qui rend difficile la communication et crée une impression d'isolement.
• Reconnaître des objets ou lire, dans des conditions de mal-voyance demande une concentration extrême qu'un rien peu perturber (le son ambiant peu vite devenir une gêne).
• Il faut aussi du temps, de la pugnacité et de la persévérance pour développer des stratégies nouvelles, à la fois fonctionnelles (se rapprocher, explorer par le toucher) et cognitives (comparer, faire des hypothèses, se référer à un patrimoine visuel de référence, à des images mentales déjà acquises).
• L'accompagnement oral facilite la compréhension de ce qui est vu. Il est aussi important pour stimuler la curiosité. En effet l'envie de découvrir peut vite s'évanouir et laisser place à de la frustration et à l'envie d'abandonner.